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lettre envoyée le 08/11/07 par FLE Attaque

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Message  Lucie Mar 15 Jan - 17:58

Monsieur Régnier
Préfet à l’égalité des chances
Préfecture du Rhône


Objet : Réponse au courrier du 19 octobre 2007

Paris, le 8 novembre 2007


Monsieur le Préfet,

Nous vous remercions de la rapidité de votre réponse à notre courrier du 19 octobre. Nous sommes
très sensibles à l’intérêt que vous portez à nos questionnements et nous réjouissons de pouvoir
échanger avec vous sur ce sujet aussi riche que complexe.

Nous apprécions votre volonté de reconsidérer et de revaloriser les besoins linguistiques des résidents
étrangers de longue date. En effet, les politiques publiques de ces dernières années tendaient à
privilégier l’accueil linguistique des primo-arrivants. Il y avait donc là une lacune importante (1).

Par ailleurs, nous approuvons votre souci de former les intervenants des dispositifs de formation
linguistique, et de les rémunérer : cela montre que vous reconnaissez l’enseignement de la langue et de
la culture française comme un métier à part entière qui requiert des compétences et connaissances
professionnelles précises, légitimées par un salaire. Nous aimerions d’ailleurs attirer votre attention sur
le fait que ces 25 euros représentent, à quelques centimes près, le double de la rémunération horaire
plancher définie par la convention collective des organismes de formation (n°3249) pour les
formateurs. C’est dire à quel point le métier d’enseignant de FLE souffre d’un manque de
reconnaissance : ces informations vous permettent sans doute de mieux comprendre nos
revendications et notre engagement.

Toutefois, nous continuons à nous interroger sur certains aspects du dispositif CLEF. C’est pourquoi,
confiants en votre sens du dialogue, nous nous adressons à vous en tant que professionnels et citoyens
soucieux de contribuer positivement à votre projet, pour le bien des publics concernés et la
reconnaissance des professionnels du FLE et de l’alphabétisation.

Pallier les insuffisances des dispositifs existants

Vous le soulignez à juste titre, les dispositifs existants ne couvrent pas – loin de là – la totalité des
besoins de formation linguistique des immigrés en France. Mais pourquoi proposer un dispositif
parallèle à ceux existant dans le secteur professionnel FLE, comme si celui-ci n’avait pas vocation à
répondre à la demande ?

En effet, les organismes de formation existants s’occupent de tous les étrangers et le font depuis
toujours. Ils connaissent donc bien ces publics et possèdent une réelle expertise en la matière. Mais
depuis la mise en place du CAI en 2003, ces structures ont vu se réduire les budgets alloués à la
formation linguistique des anciens résidents : ces budgets ont été consacrés à 80% à l’accueil des
primo-arrivants. Tributaires de leur attribution, les centres de formation ont ainsi été contraints de
redistribuer leurs actions en direction de l’un ou l’autre de ces publics.
Il nous semble donc que si les structures existantes répondent insuffisamment à la demande, c’est
parce qu’elles manquent de moyens financiers. Pourquoi alors les initiateurs de ce projet n’ont-ils pas
choisi d’élargir les attributions des structures professionnelles et d’augmenter leurs budgets, pour
qu’ils puissent accueillir un public plus nombreux ?

Proximité et souplesse vs professionnalisme et qualité ?

Votre courrier fait état d’une dichotomie entre les organismes de formation qui offriraient
professionnalisme et qualité, et le travail des bénévoles qui permettrait de répondre aux besoins de
proximité et de souplesse.

Pourtant, les organismes de formation qui officient au sein des marchés ACSE/ANAEM offrent la
proximité (qui est même un critère d’habilitation pour l’obtention de ces marchés) et la souplesse
(obligation de garantir des entrées et sorties permanentes, par exemple). Le manque d’organismes
proches et habilités doit pouvoir se résoudre par une plus large ouverture à l’habilitation pour plus de
centres, et aussi par une garantie de professionnalisme des acteurs.

Ensuite, l’insuffisance des dispositifs ne réside pas dans un manque de bénévoles, mais bien dans un
manque de professionnels qualifiés et expérimentés. Les bénévoles, nous nous permettons de le
rappeler, ne sauraient être une solution en soi (2).

Enfin, nous ne saurions croire que vous défendez l’idée d’une qualité réservée aux centres de
formation tandis que les publics accueillis par les autres structures se contenteraient de formations au
rabais. A quoi serviraient la proximité et la souplesse si l’enseignement n’était pas bon ? La qualité
doit être exigée de tous les acteurs concernés – et des formateurs professionnels doivent pouvoir la
garantir partout où elle est requise.

Les budgets

Nous nous interrogeons également sur la logique économique qui sous-tend le projet CLEF.
Ainsi, il est prévu qu’en cas d’échec de la formation dispensée par les volontaires, les candidats au
DILF seront réorientés vers des dispositifs professionnels. Pourquoi doubler la dépense alors que des
professionnels assureraient une formation plus poussée et de meilleurs taux de réussite à l’examen dès
le début de la formation ?

D’autre part, entre 20 et 30 formateurs sortent chaque année du Master FLE de l’université de Lyon 2,
spécialisé dans l’accueil linguistique des migrants. Ces formateurs ont effectué deux stages pratiques
et possèdent une réelle compétence pédagogique. Ne pas les solliciter dans le cadre de ce dispositif
coûte cher. Il faut rappeler qu’en France, un étudiant en université publique coûte 6 820 euros par an à
la collectivité; arrivé en licence, au terme de 18 ans d’études, cet étudiant a déjà coûté 113 750 euros
aux contribuables (3) . Pourquoi permettre que l’Etat finance le parcours de ces étudiants pour en faire
des chômeurs et dépenser encore un budget conséquent pour former des non professionnels?

Politique d’emploi

Nous arrivons ainsi au paradoxe que représente le recrutement de fonctionnaires retraités ou encore
salariés alors que des actifs professionnels existent et sont, pour certains, en recherche d’emploi.
La mise en place du dispositif CLEF n’a fait l’objet d’aucune campagne de recrutement ni auprès de
l’ANPE, ni auprès des deux sites Internet spécialisés dans le FLE : fle.fr et fdlm.org. Nous avons reçu
le témoignage d’un professeur de FLE qui a postulé auprès des services du dispositif et a vu sa
candidature rejetée – il ne s’agit donc pas d’un manque de personnels mais bel et bien d’un choix.

Nous nous interrogeons donc sur les concertations qui ont été menées avec le Ministère du travail ou
l’ANPE en termes de politique d’emploi. Le chômage et la précarité des professionnels actifs du FLE
sont réels. Comprenez nos inquiétudes.

Les problématiques de l’accueil linguistique des migrants

Les problématiques spécifiques liées à l’accueil linguistique des migrants sont l’un de nos domaines
d’expertise. C’est pourquoi nous nous permettons d’apporter quelques précisions importantes dont,
pourtant, ni le dossier de presse de la préfecture ni votre courrier ne font état.

D’abord, de quel public parle-t-on ? Dire qu’un public « ne maîtrise pas la langue » est trop vague.
S’agit-il de l’oral ? De l’écrit ? De la lecture ? Des trois à la fois ? Il est avant tout essentiel de savoir
si ces publics ont été scolarisés ou non dans leur pays d’origine. Se pose ainsi la question du
diagnostic initial qui permettra de déterminer le niveau et les besoins des personnes accueillies. Pour
les personnes peu ou pas alphabétisées, l’accès au DILF sera très difficile – et exigera peut-être
plusieurs années de travail. En effet, comprendre, parler, lire, écrire, compter, s’orienter dans l’espace
et dans le temps, organiser sa pensée, ou encore affiner ses capacités d’analyse, le tout en langue
étrangère, à l’âge adulte, après 8 heures de travail quotidien… tout cela représente un investissement
considérable, qui requiert l’intervention de véritables professionnels.

D’autre part, il nous semble qu’une confusion existe au sujet du niveau requis des formateurs. Votre
courrier suggère que des apprenants débutants peuvent se satisfaire de formateurs eux aussi débutants,
tandis que les plus hauts niveaux doivent être pris en charge par des professionnels. Ne pensez-vous
pas que cette vision des choses est un peu caricaturale ? Jugez-en par vous-même : s’il suffit de 38h de
formation pour être capable d’enseigner la lecture et l’écriture aux débutants, cela signifie que l’on
pourrait recruter des volontaires formés 38h pour prendre en charge les enfants scolarisés à l’école
primaire ; ou encore qu’il suffit de parler une langue pour l’enseigner… Par ces exemples, nous
souhaitons rappeler que les savoirs premiers sont les fondements des apprentissages ultérieurs et ne
doivent donc pas être traités avec légèreté, sous peine d’amener à l’échec apprenants et enseignants.

D’ailleurs, l’Etat exige la présence de formateurs diplômés (Maîtrise FLE minimum) pour l’attribution
des marchés ANAEM et ACSE. C’est donc que cette expertise est jugée indispensable.

Enfin, la référence au DIFLES et au DIDULA nous surprend. Il s’agit en effet de cursus de formation
de formateurs pour adultes, non de cursus de formation pour professionnels du FLE. Comme nous le
signalons plus haut, il existe à Lyon un Master FLE - cursus universitaire professionnalisant - dédié à
l’accueil linguistique des migrants : en sont issus des professionnels qui possèdent l’expérience
nécessaire à la mise en place de votre projet.

Quels moyens pour quels publics ?


Recruter des volontaires insuffisamment formés n’est pas une solution, ni en termes de qualité, ni en
termes économiques, ni même en termes de citoyenneté. Seuls des professionnels qualifiés sont
capables d’assurer une qualité optimale des formations, et ce n’est pas faire du corporatisme que
d’affirmer cela.

« Pas besoin d’avoir 3 bacs pour enseigner 3 mots de français à des étrangers », a dit une future
formatrice volontaire lors de la présentation officielle du projet… L’enjeu est-il d’enseigner « trois
mots » ? S’agit-il vraiment de cela ? Les immigrés non francophones ont-ils besoin de « 3 mots » pour
suivre la scolarité de leurs enfants ? Pour trouver du travail ? Pour devenir des citoyens français ? Pour
exercer leurs devoirs, faire respecter leurs droits et ne pas être continuellement en état de dépendance
vis-à-vis de la société qui les accueille ?

L’accueil linguistique des migrants, gage d’une intégration sociale réussie pour eux, d’une réussite
scolaire et éducative pour leurs enfants, ne peut être mis dans les mains d’amateurs, quelle que soit
leur bonne volonté. Il ne suffit pas d’être français pour enseigner le français, ni de savoir écrire pour
alphabétiser. Le FLE et l’alphabétisation sont des disciplines à part entière, comme l’histoire ou les
mathématiques. Ce type de mission requiert des compétences, une expertise. C’est pourquoi nous ne
comprenons pas l’allusion à un appel à mobilisation citoyenne et souhaiterions obtenir des précisions
supplémentaires sur ce point.

Engageons ensemble une nouvelle réflexion

Pour finir nous vous invitons à venir dans des classes de FLE et d’alphabétisation, pour mieux
connaître nos publics, leur diversité, leurs conditions d’apprentissage ; pour découvrir notre métier, ses
difficultés, sa technicité. Rencontrer les enseignants et leur public est le moyen idéal pour mesurer,
concrètement, à quel point la qualité de l’intégration sociale est liée à la qualité des formations
linguistiques.

Nous vous serions également très reconnaissants de bien vouloir reconsidérer le recrutement de non
professionnels dans le cadre de ce plan d'apprentissage du français et, avant d’en poursuivre
l’application, d’envisager une nouvelle concertation avec l’ensemble des acteurs du FLE et de
l’alphabétisation : formateurs, professeurs d’université, associations, centres de formation.
Nous sommes convaincus que notre message et notre volonté de dialoguer trouveront chez vous, une
fois encore, un écho favorable.

Nous vous remercions de votre attention et, dans l’attente de votre réponse, vous prions d’agréer,
Monsieur le Préfet, l’assurance de tout notre respect.


Le Collectif FLE Attaque

1 Certaines contradictions apparaissent cependant dans les informations disponibles à propos du dispositif CLEF
(comprendre, lire, s’exprimer en français): le site de la préfecture fait état de 4000 primo-arrivants pour 2000
résidents de longue date (dossier de presse) tandis que votre courrier suggère que seuls ces derniers seront pris en charge. Nous restons donc, sur ce point, sur une incertitude.

2 Pour mémoire : les textes fondateurs des ONG. Médecins du Monde par exemple.

3 Voir l'article de l'Observatoire Boivigny (lien direct) d’après L'état de l'Ecole (n°14, édition 2004),
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Lucie
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